• Les tribulations des moniteurs à Yabuli (épisode 3)

    Suivez les aventures des huit moniteurs ESF partis enseigner cet hiver au Club Med de Yabuli (Chine),
    détaillées avec humour par Yann Bobbi (ESF Peisey-Vallandry).

    Bienvenue à Yabuli Sun Mountain


    La station
    Les tribulations des moniteurs à Yabuli (épisode 3)Yabuli est la plus ancienne (1980), la plus connue et l’une des plus grandes stations chinoises, située à mi-chemin entre Harbin et Mudanjiang au nord-est du pays, à 200 km à peine de Vladivostok. Elle apparaît comme le modèle de référence pour ses deux cents petites sœurs.
    « Yabuli Sun Mountain » est construite à 400 m d’altitude et culmine à 1000 m. Elle se compose de 12 pistes de tous niveaux (20 km de long au total), une gare ferroviaire, 5 hôtels-restaurants de différents standings, 1 télécabine (8 places avec sièges chauffants), 1 télésiège à bulle débrayable, plusieurs tapis roulants, un snowpark très basique, une vaste zone pour débutants et un grand jardin d’enfants, le seul et unique de Chine !
    60 % du domaine est recouvert de neige artificielle. Les précipitations sont faibles et éparses dans cette région, le temps est plutôt sec et les températures tournent autour de -20 °C, garantissant une très bonne qualité de neige.

    Les moniteurs locaux
    Yabuli compte une trentaine de moniteurs de ski. Ils fonctionnent comme chez nous : ils sont indépendants et organisent leur travail en commun par le biais d’une structure de type école de ski.
    Une heure de leçon coûte 300 RMB (37,50 €). La station prélève 60 % de la somme versée par le client. Malgré cela, les moniteurs gagnent relativement bien leur vie en comparaison du Chinois moyen, soit environ 12 €/h. Le moniteur de Yabuli ne travaille qu’en leçons particulières, tout simplement parce que la plupart des clients ne viennent qu’à la journée.
    Ce sont de bons camarades, on ne se comprend pas mais on s’échange toujours de bonnes tapes sur l’épaule. Ils sont curieux et nous observent beaucoup, nous ne sommes pas perçus comme des concurrents. Ils savent trouver le travail : ils vont démarcher eux-mêmes les gens pendant qu’ils s’équipent sur les bancs du magasin de location, voire dès leur arrivée, sur le parking de la station. Le plus facile reste le racolage dans la zone de ski dédiée aux débutants. La piste regorge de clients potentiels. En effet, une fois équipé, le Chinois débutant fonce ventre à terre sur la neige. Et là, problème : « Comment ça s’accroche ces grands machins ? » C’est là qu’intervient notre moniteur local…
    Leur façon d’enseigner est très particulière. Il faut dire qu’ils n’ont pas de diplôme et cela se voit tout de suite : la seule façon de les distinguer des autres skieurs, c’est leur uniforme, certains d’entre eux sont à peine capables de tourner parallèle ! Ils enseignent le ski comme ils vendraient une botte de carottes, se souciant très peu de l’aspect pédagogique. Ce qui compte, c’est d’enchaîner les leçons. Tout aussi gentils qu’ils soient, on ne peut pas dire qu’ils aient le sens du service. D’un autre côté, nous avons pu constater avec amusement qu’ils reproduisent volontiers nos exercices.

    Les skieurs chinois
    Les tribulations des moniteurs à Yabuli (épisode 3)Pour la majorité, ce sont des débutants, qui viennent au ski comme ils iraient à la patinoire. Leur objectif : « faire de la glissade » ! La plupart du temps en bande de copains, ils débarquent en jeans et veston. Heureusement, le magasin de location a tout le matériel nécessaire pour ces clients qui n’y connaissent strictement rien, au même titre que les loueurs d’ailleurs. Ces derniers vous équipent avec ce qui leur vient sous la main et ne sont absolument pas décontenancés de vous donner du 45 si vous chaussez du 39, du moment que le pied rentre dans la chaussure… Ne parlons pas du réglage et encore moins de l’entretien des skis. En ce qui concerne le matériel, tant qu’on peu louer, on loue : bâtons tordus, casques fendus, chaussures à l’odeur suspicieuse…
    Voilà notre skieur chinois fin prêt pour dévaler les pentes enneigées, casque à l’envers et masque rempli de buée fiché en travers du nez. Skis et bâtons sous les bras, il met une grande bourrade dans la porte de sortie et se retrouve sur le front de neige. Là, comme tout un tas de ses compatriotes autour de lui, il cherche quelque chose : « C’est où la glissade ? »
    Comme le pays en est à ses balbutiements dans le monde du ski, il ne faut pas s’attendre à ce que le Chinois qui arrive pour la première fois dans une station en comprenne tout de suite le fonctionnement. N’ayant pas conscience de l’existence ou de l’utilité des remontées mécaniques, il est très banal de les voir monter à pied sur les pistes. Il arrive même parfois d’en voir au sommet d’une piste rouge ou noire sans aucune expérience en pensant que « ça va le faire ».
    Rien que la zone débutante est un spectacle permanent qu’on a coutume d’appeler « la piste aux étoiles ». Les skieurs, une fois arrivés en haut du tapis, se lancent (bien souvent involontairement) droit dans la pente. Et là, attention les cascades ! C’est une vrai boucherie : des skis, des bâtons de partout. Ils essayent de s’attraper les uns les autres pour s’arrêter, ce qui forme des « tas d’hommes » composés parfois de quatre ou cinq personnes.
    Entre nous, on s’amuse à pronostiquer lequel d’entre eux sera à même d’arriver jusqu’en bas debout sur les deux skis. Moment très attendu du fait que la seule chose qui puisse encore les arrêter avant qu’ils finissent dans le parking, c’est le filet de protection (type filet B), planté trop profondément dans le sol et qui fait office de catapulte !

    Une journée type d’enseignement
    Les tribulations des moniteurs à Yabuli (épisode 3)Le matin, après un bon petit-déjeuner au club, nous allons nous informer de notre affectation pour la journée. L’organisation de travail est pratiquement la même que dans les Club Med en France, soit des leçons par groupe de niveaux, enfants, adultes, snowboard…
    • Aujourd’hui, Mathieu est affecté en Club 5, le niveau le plus élevé, qui s’apparente à une classe 3 chez nous. Il est 9h30, en route pour la télécabine qui les mènera au sommet de la colline. Son groupe est essentiellement composé de skieurs étrangers : Australiens, Sud-Africains et expatriés de tous pays venus découvrir les joies du ski en Chine.
    • Au même moment, Éric emmène son groupe Club 4 rassemblant davantage de Chinois qui ont déjà une petite expérience du ski à l’étranger, en général au Japon, au Canada ou aux États-Unis.
    • 9h45, deuxième départ des cours, avec Lucie et Gary. Objectif : apprendre à tourner parallèle en deux groupes de niveaux. Les élèves de Club 2 et 3 n’iront pas tout de suite en haut de la télécabine, ils s’arrêteront dans un premier temps à la gare intermédiaire.
    • 10h, c’est la pagaille à la sortie du Rental Hall. Une centaine de Chinois, les mêmes que précédemment, se masse devant les panneaux de cours Club 1 et Club Beginner. Aujourd’hui, c’est Jérémy qui va s’occuper des débutants avec cinq autres moniteurs chinois.
    • Au jardin d’enfant, on attend pas moins de 60 « Flake 2 » et une petite douzaine de « Flake 1 », respectivement les Ourson et les Piou-Piou. Bart et moi-même allons nous en charger.
    Robin, quant à lui, s’occupe du cours collectif snowboard 1. Il n’y a pas encore beaucoup d’émules pour le snowboard dans le pays. Il embarque de ce fait ses trois ados débraillés pour la piste aux étoiles.

    Les tribulations des moniteurs à Yabuli (épisode 3)Tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes !
    Faisons un tour du côté de Jérémy : celui-ci a réussi a rassembler tant bien que mal une dizaine de débutants sachant parler anglais. Tournevis en main, il passe en revue chaque ski. A peine a-t-il commencé à se présenter, qu’un touriste chinois lui saute dessus pour une photo souvenir. Acte qui déclenche immédiatement un effet boule de neige. Tout le monde sort son appareil – il faut savoir que le Chinois est addict de la photo, il doit impérativement photographier tout ce qu’il voit. Sur le front de neige, Jérémy se retrouve encerclé par une foule hystérique de Chinois armés d’appareils et qui crient « Photo ! Photo !!! » Un vrai carnage ! Après quinze minutes de shooting intense, Jérémy commence enfin sa leçon. Tout le groupe s’amuse. L’animation est telle que Jérémy, en recomptant ses élèves dans le parcours nordique, s’aperçoit qu’il en a six de plus. Qu’à cela ne tienne, on est là pour faire rêver un maximum de Chinois !
    Au même moment dans le jardin, après un bon échauffement, nos Oursons (6-11 ans) apprennent le pas de montée en escalier. En bons élèves, ils sont parfaitement alignés côte à côte sauf qu’aujourd’hui, ils sont soixante, ça va être notre record de dominos ! Sans mot dire, Bart se place discrètement en bas de la file, fait un grand coucou à l’attention des appareils photos qui nous mitraillent derrière la barrière du jardin et hop ! une légère poussette sur le premier enfant entraîne inéluctablement la dégringolade à la chaîne de toute la rangée. Record homologué par les caméras des parents et présent sur youtube bien évidemment !
    Les tribulations des moniteurs à Yabuli (épisode 3)Pendant ce temps au Club 2 et 3, Lucie et Gary doivent composer leurs groupes de niveaux avec deux autres moniteurs locaux employés par le Club. Ces deux derniers sont une catégorie à part de moniteurs chinois, des spécimen engendrés par l’effet Club Med. Comme ils ne sont pas payés à l’heure (donc au rendement), ils ont pris l’habitude d’enseigner à un rythme plutôt décontracté. Bien cachés en arrière-plan, ils attendent tranquillement que l’ESF organise le splitting. Rien de bien dramatique si ce n’est que ce matin, les Chinois anglophones ne sont pas légion et que Lulu et Garou doivent faire de leur mieux avec les notions de mandarin apprises lors des cours du soir dispensés par le Club. Le chinois est une langue très facile à apprendre, surtout en ce qui concerne la prononciation. A ce titre, nous nous débrouillons à merveille : « Bon, Tching Tchong, hop ici. Ensuite, Tchong Tching, toi, hop ici. Ensuite, Jacky… Jacky ! Hohé Jacky Chan ! hop ici ». En deux « Tching Tchong » et trois « Tchong Tching », tout est organisé : Lucie et Gary partent avec leur groupe qui bredouille trois mots d’anglais et le reste est confié à nos braves moniteurs GO qui ont un objectif bien défini : retrouver au plus vite les canapés du Club Med ! La gestion de groupe est bien rodée et les consignes claires et sans ambiguïté : « Suivez-moi et faites comme moi ! » Le mono part à son rythme, se retrouve rapidement 100 m devant ses élèves et, arrivé en bas de la piste, le troupeau s’est déjà épuré de moitié. « Encore une piste ou deux et on pourra rentrer à la maison ! » Le fin du fin, c’est que les élèves n’y voient rien à redire… pensant peut-être qu’un moniteur de ski, c’est un gars qui t’accompagne au sommet du télésiège et puis s’en va…
    Direction le Club 4 et 5. Ici aussi, on fait dans la chinoiserie. Le niveau de ces cours permet d’accéder à l’ensemble du domaine skiable, où l’on côtoie d’autres bon skieurs chinois. Il y en a, et même de très bons : des locaux dont la plupart réside à Harbin, qui viennent à Yabuli pratiquement toutes les semaines. Ils sont le plus souvent membres d’associations de ski et viennent en groupe. Issus des classes aisées, ils sont équipés du matériel dernier cri et passionnés de ski. Ils savent que L’ESF est là cet hiver, une perspective très excitante. Aujourd’hui encore, Mat et Riquet vont devoir composer avec cet élément. Car dès la première piste, les skieurs chinois sont là, tels des chasseurs à l’affût attendant patiemment leur proie. D’abord assez éloignés, ils se rapprochent au fur et à mesure du cours, et observent Mat en train de dessiner à ses élèves un truc sur la neige. « Mais qu’est-ce que ça peut être ?! » Mat s’éloigne avec son groupe, se retourne, un léger sourire aux lèvres, observant les Chinois en train de photographier son dessin !
    Éric est sur la piste à côté, à l’arrêt avec son groupe, en train de faire un point sur la théorie universitaire grenobloise du « centrage » quand tout à coup, trois skieurs chinois leur passent à ras les spatules dans un style de carving très asiatique. Ils s’arrêtent un peu plus bas et font de grands gestes avec les bras : « Nihao ! Ninha ESF ! » (Bonjour ESF). Éric les rejoint avec son groupe pour leur expliquer gentiment que leur comportement est dangereux. Mais même à grand coup de « Tching Tchong », il se retrouve face à trois énergumènes qui veulent absolument qu’Éric fasse une démonstration de ski. Une petite pensée de soutien pour lui, et on retrouve Robin et ses snowboarders.
    Comme la plupart du temps, la piste aux étoiles est une vraie patinoire du fait des passages répétés des skieurs et du manque de neige fraîche. Heureusement, le groupe est prêt pour expérimenter le « backside way » sur la piste bleue. Direction le gondola. C’est l’heure de pointe au départ de la remontée mécanique principale et nos skieurs chinois, bien briefés sur le fait que leur forfait magnétique peut être utilisé par simple frottement de la poche ventrale de l’anorak contre la borne du portillon, on assiste à une vraie démonstration de lambada. Robin se faufile habilement et paf ! il se retrouve nez à nez avec « la bande des Burton » : des « oufs » qui débarquent tous les week-ends avec leur gros Hummer, tous équipés Burton des chaussettes au headphone. Leur spot, c’est le snowpark. Quand Rob est passé un jour faire un petit run devant eux, tout s’est éclairé d’un coup : le messie tant attendu était enfin arrivé ! La matinée se termine, il est temps de faire un dernier point chez nos débutants.
    Jérémy, qui a vu le nombre de ses élèves augmenter au fil de la matinée, se voit maintenant donner un cours à toute la zone débutant. Il ne peut pas faire autrement, impossible de reconnaître ses élèves de départ avec les autres : ils ont tous la même tenue. Mais quel bon coup de pub pour nous !

    Les tribulations des moniteurs à Yabuli (épisode 3)Voilà en quelques lignes notre quotidien à Yabuli, sans oublier le vent sibérien qui se mêle à la fête deux ou trois fois par semaine (des rafales à te décoller du carpet).
    On est tous d’accord pour dire que l’expérience est inoubliable, le dépaysement total, le choc des cultures radical. Toute l’équipe a appris énormément de ce voyage, changé son approche de l’enseignement et ouvert son esprit sur la notion de différence. J’encourage vivement quiconque en mal de routine ou tout simplement en quête de nouveauté à aller faire un stage à Yabuli, ne serait-ce que pour rencontrer les Chinois. Ces gens sont de grands enfants emplis d’humilité et d’affection, pas une fois je n’ai fini une leçon sans qu’au moins l’un d’entre eux ne soit venu me prendre dans ses bras. Je vous conseille particulièrement les petits bouts de 4 ans, trop craquants.
    Que de bons souvenirs, merci mon équipe, merci le SNMSF, merci la Chine !

    Yann Bobbi

    Les tribulations des moniteurs à Yabuli (épisode 3)

     

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